Nourrir notre communauté : points clés de la sélection des bénéficiaires des récoltes locales

Compte-rendu de la réunion du 18 mai 2065, 14h-16h

Participant.e.s

  • Mme Parvedi Trandaya, Maire d’Aubervilliers 
  • Mme Nola Vidri, Adjointe au Maire en charge de l’urbanisme 
  • M. Sofienne Diallo, Adjoint au Maire en charge de la restauration scolaire
  • Mme Manon Durand, Adjointe au Maire en charge des affaires sociales
  • Mme Gabriella Oliveira, Adjointe au Maire en charge de la santé
  • M. Yunan Li, Adjoint au Maire en charge de la vie associative
  • Mme Sarah Verdez, Adjointe au Maire en charge de la politique de la ville
  • M. Vivien Solis, Adjoint au Maire en charge de l’environnement 
  • Mme Aïna Andriamananjoana, Responsable des distributions alimentaires pour l'association “Les Restos du Coeur” 
  • M. Alou Thiam-Ducasse, fondateur du collectif “Gourmand.e.s Gouvernant.e.s d’Aubervilliers”
  • Mme Marion Lefebvre, salariée de l’association “Point de Rassemblement”
  • M. Valentin Waszczykowski, assistant social du CCAS
  • M. Léo Vacherin, Responsable de la ferme alimentaire du Fashion Center 
  • M. Ali Khalil El Khoury, Responsable de la cantine solidaire Rest’Auber
  • M. Pedro Rodriguez, Représentant des parents d’élèves de l’école maternelle Louise Michel 
  • Mme Jacqueline Rousseau, Représentante des parents d’élèves de l’école élémentaire Charlotte Delbo
  • Mme Sergine Hoarau, Responsable Achats du Lidl 
  • M. Paul Dubois, Responsable de l’épicerie solidaire L’Oasis 
  • M. Kim Patel, habitant de la cité République 
  • Mme Adélaïde Laclos, retraitée et jardinière amatrice des jardins ouvriers d’Aubervilliers 
  • M. Jules Esposito, étudiant et bénéficiaire de l’aide alimentaire 

Convocation

À la suite de la demande déposée par l’association “Point de Rassemblement” et du collectif “Gourmand.e.s Gouvernant.e.s d’Aubervilliers” de consacrer une partie de la future production de fruits et légumes à l’aide alimentaire, une réunion a été organisée afin de mettre à l’étude cette proposition. 

Déroulé de la réunion

Présentation du contexte

Mme Nola Vidri a rappelé l’impossibilité de nourrir l’ensemble des 91 527 habitant.e.s d’Aubervilliers avec la future production de fruits et de légumes. Seuls 192 hectares pourront être libérés pour être mis en production, et permettront de fournir en fruits, en légumes, en patates et en choux locaux environ 10 000 individus. Elle a souligné l’importance de choisir une population cible qui réponde aux objectifs de l’aide alimentaire.

Mme Marion Lefebvre a rappelé les travaux qui ont été menés quarante-et-un ans plus tôt par les étudiant.e.s de l’École d’Urbanisme de Paris, et qui présentaient plusieurs populations bénéficiaires potentielles. 

Présentation des populations bénéficiaires potentielles

Mme Marion Lefebvre a présenté les catégories bénéficiaires potentielles : 

La restauration collective : cette catégorie regroupe quatre catégories, la restauration scolaire, la restauration médico-sociale, la restauration d’entreprise et une catégorie plus large comprenant les centres de vacances, les prisons, l’armée, etc. À Aubervilliers, les deux premières catégories de population représentent environ 22 000 individus, dont environ 19 000 bénéficiant de la restauration scolaire.

Mme Lefebvre a regretté l’absence de données concernant la restauration d’entreprise et la dernière catégorie.

M. Pedro Rodriguez note la possibilité de fournir en produits locaux l’ensemble des établissements de restauration collective, puisqu’il n’y a qu’un repas par jour a distribué et ce pendant 5 jours. 

1 Conseil National de l’Alimentation. (s. d.). Fiche n°1. La précarité alimentaire : de quoi parle-t-on ? https://cna-alimentation.fr/wp-content/uploads/2022/08/Fiche-1_precarite-alimentaire_de-quoi-parle-t-on.pdf

Les populations souffrant de précarité alimentaire : Mme Aïna Andriamananjoana rappelle qu’un nombre toujours plus croissant d’individus s’oriente vers l’aide alimentaire des Restos du Coeur, et souffre donc de problématiques de précarité alimentaire. Cela recouvre une “situation dans laquelle une personne ne dispose pas d’un accès garanti à une alimentation suffisante et de qualité, durable, dans le respect de ses préférences alimentaires et de ses besoins nutritionnels [...]”.

Mme Manon Durand soulève le fait, qu’à ce jour, il n’y a pas de données chiffrées sur la part d’Albertivillarien.ne.s souffrant de cette situation.

Mme Marion Lefebvre propose de s’appuyer sur les chiffres du Conseil National de l’Alimentation pour sélectionner les bénéficiaires : ces chiffres mettent en évidence le fait qu’un Français sur cinq déclare ne pas arriver à se procurer une alimentation saine et équilibrée pour assurer trois repas par jour. Elle fait donc l’hypothèse qu’environ 18 305 habitant.e.s d’Aubervilliers seraient susceptibles d’être en situation de précarité alimentaire. 

M. Léo Vacherin rétorque qu’il sera impossible d’augmenter la production locale pour parvenir à fournir des fruits et légumes à un si grand nombre d’individus. Il est demandé à M. Valentin Waszczykowski de présenter les chiffres mis à disposition par le CCAS : près de 5 000 ménages, soit 12 500 personnes, sont accompagnés chaque année. Cet accompagnement ne porte pas uniquement sur des questions alimentaires, mais aussi sur des questions d’accompagnement administratif par exemple.

Mme Manon Durand rappelle que ce sont aussi 250 familles qui sont soutenues par la mairie, par le biais de l’épicerie solidaire Épicéa.

M. Ali Khalil El Khoury rappelle que selon l’étude menée par le CREDOC en 2022, 52% personnes en situation de précarité alimentaire n’ont pas recours aux aides : les chiffres disponibles sur la commune ne reflètent pas la réalité. Plutôt que de faire une hypothèse à partir des chiffres au niveau national, Mme Sarah Verdez rappelle qu’environ 42% de la population d’Aubervilliers se situent sous le seuil de pauvreté. La précarité monétaire est un facteur aggravant de la précarité alimentaire, et elle propose donc privilégier les personnes situées sous le seuil de pauvreté : cette population est estimée à 37 549 personnes.

Mme la maire, Parvedi Trandaya, estime que selon les données retenues : 

  • plus de la moitié des personnes susceptibles d’être en situation de précarité alimentaire selon les chiffres du Conseil National de l’Alimentation, soit environ 18 305 individus, pourraient être alimentées en fruits et légumes frais 
  • pratiquement l’ensemble des ménages accompagnés par le CCAS pourraient être recevoir une alimentation en fruits et légumes produites localement
  • et environ un quart des personnes situées sous le seuil de pauvreté pourraient recevoir cette aide.

Discussion

Les participants ont ensuite débattu des effets induits de chaque option. 

Limites et arguments en faveur d’un choix portant sur la restauration collective, et plus spécifiquement la restauration scolaire maternelle et élémentaire 

  • Cette population est déjà identifiée,
  • Cela s’inscrit déjà dans une logique nationale : la loi EGALIM du 30 octobre 2018 fixe des objectifs à l’endroit de la restauration collective, pour “permettre la transition vers une alimentation de qualité et durable”,
  • Les structures et les ressources humaines nécessaires sont déjà opérantes,
  • La distribution de fruits et légumes frais pourrait améliorer la qualité de l’alimentation de ces personnes,
  • Cela pourrait contribuer à l’éducation alimentaire des enfants, sur la saisonnalité de la production et l’importance de consommer des produits de saison par exemple. Selon Christian Bourdel, “L’introduction d’aliments bio [et locaux] en restauration collective est l’occasion de poser un regard nouveau sur les relations entre l’agriculture, l’environnement et l’alimentation. Elle permet de renouer un lien entre citadins et ruraux, consommateurs et agriculteurs… Manger n’est pas un acte anodin. Ce n’est pas seulement un acte vital qui doit apporter les éléments nécessaires au développement, c’est aussi un acte culturel, tant dans le rapport à la nourriture – L’homme est ce qu’il mange – que dans les échanges permis par le repas : temps structurant de sociabilité et de détente qu’il importe d’associer à une notion de plaisir. L’occasion d’éveiller les enfants ou de faire prendre conscience aux adultes de l’importance d’une alimentation saine, du plaisir des saveurs et des goûts variés, notamment en utilisant une large palette de variétés, anciennes et nouvelles.” Cela s’inscrit dans une logique de convivialité, à la fois au sens de chaleureux mais aussi au sens du concept développé par Ivan Illich, 
  • C’est l’occasion de développer un réseau d’acteurs locaux solidaire et durable, 
  • Il faut accompagner le changement de pratiques des professionnels de la restauration scolaire,
  • Des contraintes juridiques qui entravent encore cette stratégie d’approvisionnement local de la restauration scolaire. En 2024, deux élus locaux avaient mis en évidence “l'impossibilité pour les pouvoirs adjudicateurs "d’introduire dans les marchés publics un critère de proximité, pour recourir prioritairement à des producteurs locaux, aux filières courtes et, à défaut, à des productions qui participent au maintien de nos filières agricoles"”, au nom notamment du principe de la libre concurrence,
  • Il faut s’interroger sur les périodes de vacances scolaires : que deviennent les fruits et légumes pendant cette période ? La production se reporte-t-elle vers d’autres populations bénéficiaires ? Les produits peuvent-ils être transformés en produits de conserve ?
  • Des solutions alternatives doivent être trouvées et anticipées, afin de pouvoir être mobilisées rapidement en cas de mauvaises récoltes ou de rupture de stock,

Limites et arguments en faveur d’un choix portant sur les individus en situation de précarité alimentaire 

  • La distribution, ou la possibilité d’achat de fruits et légumes produits localement pour les familles en situation de précarité alimentaire permettrait d’offrir une alimentation saine, diversifiée et de qualité. L’aide alimentaire ne proposant pas toujours des produits de qualité et d’une bonne qualité nutritionnelle, ni même des produits adaptés aux goûts et aux besoins des personnes.
  • Cibler la production alimentaire locale vers les personnes en situation de précarité alimentaire permet de réduire, en partie, les inégalités sociales et d’améliorer la qualité de vie des populations les plus fragilisées. 
  • Il est important de garantir aux personnes en situation de précarité alimentaire l’accès à des moyens de cuisson et de conservation des aliments. À Aubervilliers, les problématiques autour du logement étaient nombreuses, et le restent en partie. La suroccupation concerne 35% des ménages, contre 13% en Île-de-France. Près de 10% des logements ne disposent pas de salle de bain, contre 3% en France métropolitaine : c’est une situation de mal-logement. Et près de 20% du parc privé reste potentiellement indigne, c’est-à-dire « les locaux utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. » De fait, il est possible que certains individus cumulent des situations de précarité alimentaire, et des situations de mal-logement. 
  • Il est essentiel de réfléchir aux modalités de distribution de cette production : des paniers repas, des chèques pour acheter au sein d’épiceries partenaires ? Les paniers repas peuvent ne pas correspondre aux préférences personnelles des populations accompagnées. 
  • Pour certains participants à la réunion, l’accès à une alimentation de qualité ne peut se faire sans l’accès à des jardins partagés, ou à des espaces de production. C’est une forme d’autonomie et de prendre en charge sa propre alimentation.
  • La distribution, ou la possibilité d’achat de fruits et légumes, peut détourner l’attention des causes profondes de la précarité alimentaire, telles que la pauvreté, les inégalités ou encore le manque d’accès à l’emploi.

Prochaines étapes

  • L’association « Les Restos du Cœur » sera chargée de l’identification des personnes souffrant de précarité alimentaire, et de leurs besoins et préférences alimentaires.
  • M. Sofienne Diallo propose un Plan d’action pour la restauration collective. 
  • L’association Point de Rassemblement et le collectif « Gourmand.e.s Gouvernant.e.s d’Aubervilliers » proposent des formations de cuisine.

Conclusion

La réunion a permis de lancer une réflexion sur le choix de la population prioritairement bénéficiaire de la production locale de fruits et légumes d’Aubervilliers. Cette initiative permettra d’améliorer l’accès à une alimentation saine et équilibrée.

Fait à Aubervilliers, le 18 mai 2065


Le Sécrétaire de séance,

Kim Patel

1 Conseil National de l’Alimentation. (s. d.). Fiche n°1. La précarité alimentaire : de quoi parle-t-on ? https://cna-alimentation.fr/wp-content/uploads/2022/08/Fiche-1_precarite-alimentaire_de-quoi-parle-t-on.pdf 

2. Bourdel, C. (2010). Les actions de sensibilisation dans les cantines scolaires : l'exemple du 2e arrondissement de Paris. Pour, 205-206, 267-273. https://doi-org.univ-eiffel.idm.oclc.org/10.3917/pour.205.0267

3. https://www.banquedesterritoires.fr/approvisionnement-local-dans-les-cantines-regions-et-departements-appellent-letat-la-coherence

4. CCAS Aubervilliers. (2021). Analyse des besoins sociaux. https://www.aubervilliers.fr/IMG/pdf/synthese_abs_seminaire_020721_a_diffuser-2.pdf 


5. Qu’est-ce que l’habitat indigne ? (s. d.). Les Services de L’État Dans L’Aisne. https://www.aisne.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Habitat-construction-renouvellement-urbain-et-accessibilite/Pole-departemental-de-lutte-contre-l-habitat-indigne/Qu-est-ce-que-l-habitat-indigne#:~:text=%C2%AB%20Constituent%20un%20habitat%20indigne%20les,physique%20ou%20%C3%A0%20leur%20sant%C3%A9.%20%C2%BB