Pietro et Silvia Arcosanti
En charge de l'accueil au cimetière-verger
Le cimetière verger est ouvert de 8h à 18h. Les weekends sont consacrés à la confection de confitures, chutneys dans les cuisines de l'établissement d'accueil pour personnes âgées situé en face du cimetière. Merci de vous inscrire auprès de Pietro et Silvia.
En charge de l'accueil au cimetière-verger
Une association visionnaire plaidait en 2031 pour la mise en place d'un verger dans le cimetière communal. Ci-dessous, nous reproduisons le contenu du document.
A un tournant de notre histoire, le cimetière d’Aubervilliers a offert l'opportunité d'une transformation significative, en éveillant la conscience collective sur notre rapport à la mort et à la nature. Par la prise en compte de cette terre comme un espace productif, des problèmes environnementaux ont pu être ainsi pris à bras-le-corps, tout en créant un lieu de mémoire et de vie pour notre communauté.
Les cimetières sont des espaces au coût environnemental élevé. Aux substances nocives des joints d’étanchéité des caveaux s’ajoutent la pollution induite par
les couches de vernis au polyuréthane utilisées pour l’esthétique du cercueil. L’étanchéité n’est en outre pas garantie par les joints qui laissent d’échapper dans les sols et les nappes phréatiques les polluants contenus dans les corps.
Aussi, la pratique de la thanatopraxie, qui consiste à injecter dans le corps des quantités importantes (6 à 10 litres par corps) de produits extrêmement toxiques, dont le formaldéhyde (dit aussi formol) génère des risques toxiques importants.
Certaines études pointent également les risques causés par les crémations qui alimentent la pollution de l’atmosphère : formol, mercure (gazéifié par la combustion), tous les crématoriums n’étant pas équipés de filtres.
Quant aux monuments funéraires, ils sont construits en pierre, en marbre ou en granit, extraits de carrières surexploitées, au lourd impact environnemental et social. Ces matériaux viennent très souvent de Chine, ce qui représente un bilan carbone assez lourd. Une fois les concessions arrivées à terme, ces édifications sont obsolètes, et finissent très souvent à la casse.
Selon une étude française sur l’impact environnemental des obsèques, commandée par les services funéraires de la Ville de Paris, une inhumation produit jusqu’à 833 kg de CO2, soit presque autant qu’un aller-retour Paris-New York en avion1.
La crémation, en plein essor, est elle aussi émettrice de gaz à effet de serre : selon la même étude, une crémation équivaut en moyenne à 3% des émissions d’un français moyen sur un an (contre 11% pour l’inhumation)
Les cimetières franciliens sont confrontés, tout comme l’agriculture urbaine, à la pénurie de foncier. Si la crémation est une tendance lourde aujourd’hui, les inhumations restent en France une large part des opérations funéraires. On densifie les vivants tout en continuant d'étaler les morts.
Or, la tendance forte de la crémation, en dépit de ses conséquences environnementales, permet d’envisager une certaine libération des sols à plus ou moins longue échéance (2). Les Jardins du souvenir (espace gratuit de dispersion des cendres), cavurnes et columbariums sont autant d’espaces cinéraires qui permettent de repenser l’aménagement des cimetières actuels et leur gestion.
2. Selon l’ARB IDF, “sur 10m2, on ne loge que quatre cercueils contre deux cents urnes” : guide_cimetiere2022_bat_web.pdf - lien externe
Les cimetières étaient jusqu’en 2022 entretenus avec des désherbants chimiques. La loi dite « LABBÉ », ou “zéro phyto”, du 6 février 2014 qui interdit depuis 2022 aux collectivités l’usage des pesticides chimiques de synthèse pour l’entretien des espaces verts et de la voirie, a mis fin à cette pratique. Cette loi a impliqué de facto des changements de pratique, parfois controversés, et une évolution de la perception des espaces dédiés aux morts. Ces espaces qui bénéficient d’une certaine préservation au regard du milieu urbain (horaires d’ouvertures, absence de pollution lumineuse) permettent d’observer une grande diversité de flore et de faune, favorisée depuis 2022. Une réserve est à évoquer: la perception d’un certain laisser-aller par certaines familles de défunts pour qui la vision d’une nature spontanée peut paraître rédhibitoire.
La désimperméabilisation et la végétalisation des cimetières permettent de transformer ces espaces souvent très minéralisés en îlots de fraîcheur tout en favorisant l’infiltration des eaux pluviales. Planter des arbres fruitiers permet de concilier le bénéfice des arbres (ombre, évapotranspiration) avec celui de la production de nourriture.
Les jardins monastique au Moyen-âge étaient également des cimetières (3). Les moines reposaient sous les arbres fruitiers dans ce qui était perçu comme la façon figurative d’exprimer “le renouveau de la vie à partir de la mort”(4). En Normandie, on trouvait des arbres dans les cimetières, qui pouvaient être coupés et utilisés pour les réparations de l’église. Lorsqu’il s’agissait de pommiers, les récoltes étaient destinées à la vente au bénéfice de la communauté, en faisant ainsi un parfait Commun.
Afin de répondre aux enjeux de pollution, le cimetière naturel semble une voie pertinente. L’idée est de limiter au maximum la pollution des sols dans les cimetières. La ville de Niort a mis en place en 2014 un cimetière naturel qui interdit (sauf absolue nécessité) tout recours aux produits de conservation et impose des matériaux biodégradables sans polluant pour les inhumations. Les demandes affluent, malgré les fortes contraintes mises en place pour protéger les sols. Les familles doivent en effet s’engager sur des aspects très novateurs formalisés dans une charte. Il est à noter que des enterrements selon ce cahier des charges sont beaucoup moins coûteux pour les familles. Le bénéfice économique pour les familles peut faciliter l’acceptation de critères qui peuvent apparaître contraignant dans un premier temps.
Certain·es vont plus loin encore et réclament la légalisation en France de l’humusation, une technique qui consiste à transformer en 12 mois les corps des défunts en humus sain et fertile.
Outre la dépollution des sols, il est nécessaire de procéder à l’inventaire des concessions pour envisager la libération d’espaces. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) fixe les conditions dans lesquelles un cimetière peut être fermé et faire l’objet d’une autre utilisation5. Il ne s’agit pas ici de fermer le cimetière mais de réagencer l’espace pour en faire un lieu de vie dans le respect des défunts.
Des initiatives telles que l'implantation d'arbres fruitiers dans les cimetières belges (6) et le projet en cours au Canada (7) démontrent la faisabilité et les bénéfices d'un tel changement. Ces exemples inspirants encouragent la transformation du cimetière d’Aubervilliers en un lieu de vie harmonieux et inclusif.
En conclusion, transformer le cimetière d’Aubervilliers en cimetière-verger est bien plus qu'une simple rénovation urbaine. C'est une opportunité de réinventer notre rapport à la mort, à la nature et à la communauté. En unissant nos efforts, nous pouvons créer un espace de paix, de beauté et de durabilité pour les générations futures.
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